En 1977, la micro-informatique personnelle en est encore à ses balbutiements quand le constructeur canadien Commodore, spécialisé dans la vente de machines à calculer, se décide à sortir son premier ordinateur grand public : le PET 2001.

Mais revenons quelques années en arrière, CBM (Commodore Business Machines) est un constructeur basé à Toronto, au Canada. Depuis 1954, date de sa création, l'entreprise est tenue d'une main de fer par son fondateur, Jack Tramiel, ainsi que par son richissime actionnaire Irving Gould qui a financé le MOS6502groupe à maintes reprises. Côté en Bourse depuis 1962, CBM a réussi un virage spectaculaire au début des années 70 en réalisant des calculettes de poche qu'il distribue désormais sur l'ensemble du territoire américain. C'est l'un des premiers constructeurs à proposer ce type de produits, summum de l'électronique moderne, qu'il réalise avec son fournisseur Texas Instrument qui lui livre tous les composants nécessaires à leur élaboration. Malheureusement en 1975, attiré par l'appât du gain, Texas Instrument décide aussi de se lancer dans le développement de machines à calculer et augmente de façon drastique tous les prix de ses processeurs. Après une guerre perdue d'avance qui ne durera que quelques mois, Commodore doit se résigner et trouver une solution au plus vite. En 1976, Jack Tramiel décide donc de racheter la société MOS Technology, alors en grande difficulté, mais dont l'ingénieur en chef, Chuck Peddle, a réalisé un micro-processeur 8 bits d'excellente qualité et bon marché : le MOS 6502 [1]. Satisfait de sa transaction, Jack Tramiel peut enfin s'aligner sur ses concurrents et proposer de nouvelles machines à calculer... mais c'est un tout autre projet qui va le motiver.

En 1976, Chuck Peddle connaît parfaitement les premiers essais issus de la micro-informatique moderne, dont le fameux Altair 8800 de MITS. De plus, il a personnellement confectionné un ordinateur en kit autour de son processeur 8 bits pour ses démonstrations, le KIM-1 SBC, qu'il a également proposé au constructeur Tandy Radio Shack, les créateurs du TRS-80, mais sans succès. En septembre de la même année, Peddle assiste à une présentation faite par Steve Jobs et Steve Wozniak d'un prototype de l'Apple II qui a l'énorme avantage d'être monté autour du processeur qu'il a inventé, le MOS 6502. Les deux jeunes entrepreneurs souhaitent vendre l'Apple II à Commodore mais Jack Tramiel refuse l'offre trop élevée à son goût. En revanche, il commence à être convaincu de l'intérêt d'intégrer ce nouveau marché florissant. Tramiel donne donc six mois à Peddle et toute son équipe pour réaliser un ordinateur complet qui devra être présenté au Consumer Electronic Show de Las Vegas en janvier 1977 et distribué la même année : ce sera le PET 2001. De par son patronyme, l'ordinateur fait  tout de suite penser au film de Stanley Kubrick "2001, l'odyssey de l'espace". PET signifie "Personal Electronic Transactor" mais peut être également interprété comme "ordinateur de compagnie" (pet=animal de compagnie en anglais). Au cours des premiers mois, Commodore distribue ses ordinateurs au compte goutte et uniquement après avoir reçu des précommandes par courrier ou par téléphone. Jack Tramiel choisit personnellement les enseignes qui doivent répondre à des critères bien précis, payer en avance leur solde et attendre parfois entre 5 et 6 semaines avant d'être livré. En revanche, il ne possède pas le même circuit de distribution que son concurrent Tandy qui possède plusieurs milliers de magasins aux Etats-Unis pour son TRS-80. Les cent premiers exemplaires du PET 2001 sont distribués par Commodore à partir d'octobre 1977 complétant ainsi l'offre d'Apple et de Tandy avec leurs ordinateurs sortis quelques semaines plus tôt. La micro-informatique grand public naît réellement à partir de cette époque que l'on désignera plus tard comme "Trinité 1977" dans les magazines spécialisés.

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Contrairement à l'Altair, le PET 2001 est une plateforme complète livrée avec un écran monochrome vert et noir de 9", un clavier avec lecteur cassette directement intégré pour sauvegarder ses données et 4 Ko de mémoire vive qui seront très vite doublées dans les modèles suivants. Un Basic 1.0 programmé par Microsoft est également présent sur l'appareil mais, malgré sa rapidité d'exécution, cette version comporte plusieurs bugs et des instructions qui ne sont pas reconnues (ELSE, PRINT USING, etc.) alors qu'elles sont disponibles sur d'autres Basic. Ceci est peut-être dû au fait que CBMCommodore est le seul constructeur à avoir réussi à conclure un contrat avec Microsoft qui ne l'oblige pas à payer de royalties sur chaque machine vendue, Tramiel n'ayant payé que la licence d'utilisation. Au titre des défauts de conception, le PET 2001 ne propose pas de sons et les clients se plaignent beaucoup de son clavier qui ressemble plus à celui d'une machine à calculer que d'un véritable clavier mécanique. Dans ces conditions, il est impossible de saisir un texte rapidemement et la machine est incapable d'afficher des majuscules et des minuscules en simultanée. Pour contourner ce problème, il est possible de passer par un petit code de programmation mais ce n'est vraiment pas pratique. Toutes ces erreurs de jeunesse seront vite rectifiées dans les versions suivantes 'N', 'B' et surtout 3001 qui ajoute de la mémoire vive, un Basic plus performant et un clavier mécanique de bien meilleur qualité mais dont le lecteur cassette a été supprimé. Le PET 2001 se vend très bien jusqu'en 1980 où il se retrouve pour la première fois sur le marché européen sous l'appellation CBM 3001 Series, mais hélas à un prix deux fois supérieur. En France, l'appellation PET a été supprimée de l'écran car elle n'a pas tout a fait le même sens original dans la langue de Molière et de plus, le nom a déjà été déposé par Philips sur le vieux continent.

 

En 1980, la concurrence devient de plus en plus intense. Commodore doit désormais faire face à Atari et Texas Instrument, son vieil ennemi de toujours, qui ont intégré le marché avec deux nouveaux ordinateurs proposant des graphismes en couleurs et du son : l'Atari 800 et le TI99/4. En outre, afin de répondre au marché grand public qui demande des jeux vidéo de plus en plus évolués, Commodore contre-attaque en annonçantune nouvelle plateforme aux caractéristiques proche de celles de ses concurrents : le VIC-20. Bien entendu, la sortie de cet appareil, en 1981 aux Etats-Unis, affecte directement les ventes du PET 2001 mais contre toute attente, celui-ci trouve un second souffle sur les marchés éducatifs et professionnels. En effet, son physique imposant tout en métal avec un poids de 20 kilos et le fait qu'il n'y ait pas de carte son à l'intérieur de l'appareil collent parfaitement avec le marché professionnel et les écoles canadiennes et américaines qui passent d'importantes commandes. Peu de vols sont à déplorer et même si certains jeux existent sur cette plateforme, ils restent plus attrayants sur les machines concurrentes. Pour ces raisons, et malgré l'architecture vieillissante qui évoluera un petit peu tout de même avec les années, le PET 2001 continuera à se vendre jusqu'en 1986 mais sous différentes appellation : 4000, 8000 et 9000 series. Une belle longévité pour un appareil robuste mais plutôt destiné à un usage professionnel.